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Après une brève carrière professionnelle dont un championnat de France en 2012, la directrice du Tour de France féminin Marion Rousse est devenue une figure incontournable du cyclisme. Dans une interview exclusive avec FRANCE 24, Rousse a expliqué pourquoi le Women’s Tour, une course de huit jours qui commence le 24 juillet, est si important pour les filles qui aspirent à devenir des cyclistes professionnelles.
Elle fait partie d’une « génération perdue » de cyclistes qui n’ont jamais eu la chance de courir dans un Tour de France féminin, un événement qui a cessé ses activités en 1989. Aujourd’hui directrice de la première version professionnelle du Tour de France féminin, Marion Rousse , 30 ans, a déclaré à FRANCE 24 qu’elle ressentait de la « fierté » dans le rôle.
La native du nord de la France, qui a un fils avec son partenaire, le cycliste français Julien Alaphilippe, vise à faire du Women’s Tour un événement pérenne et rentable en partenariat avec la plateforme de cyclisme en ligne Zwift. Rousse espère avant tout que la course de cette année, qui se déroulera du 24 au 31 juillet, inspirera les fans à devenir des coureurs professionnels.
Rousse s’est confié à FRANCE 24 lors des championnats de France de cyclisme sur route le 25 juin.
FRANCE 24 : Que représente pour vous le fait d’être directrice du Tour de France féminin ?
Marion Rousse : Être directeur du Tour représente beaucoup de choses. Il y a beaucoup de fierté. Quand on m’a proposé le poste, je me suis vu à l’âge de six ans, commencer à faire du vélo… Je me suis rappelé tout le chemin parcouru. Pour quelqu’un qui n’a jamais pu participer au Tour de France, je suis ravi d’avoir un rôle dans cet événement spectaculaire.
FRANCE 24 : Ce Tour de France féminin ne dure qu’une semaine, contre trois pour le Tour masculin. Comment expliquez-vous cette différence ?
Roussé : D’un point de vue sportif, les femmes pourraient tenir trois semaines. Le Giro Tour (le Tour d’Italie féminin) est un peu plus long que le Tour de France et compte déjà 10 étapes. Cependant, il faut comparer ce qui est comparable, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on se mesure à ce qui se fait du côté des hommes.
Il y a environ 30 coureurs dans les équipes masculines, ils peuvent donc se permettre d’envoyer des groupes à plusieurs courses (qui pourraient être programmées avant, pendant et après le Tour). Il n’y a qu’une dizaine de coureurs dans les équipes féminines. Alors si le Tour de France bloquait trois semaines du calendrier des compétitions cyclistes, ce serait au détriment des autres courses féminines. Nous ne voulons pas cela.
Il est également important de garder à l’esprit que l’écosystème du cyclisme féminin est encore fragile. Il ne faut donc pas voir trop grand. Nous voulons être ici dans 100 ans, donc nous voulons commencer avec huit jours. Pourtant, cette longue semaine (de course) se déroulera dans les mêmes conditions que les hommes, avec la caravane sur toutes les étapes et avec les mêmes hébergements. Et nous ne fermons pas la porte à un Tour de France féminin plus long à l’avenir.
FRANCE 24 : Au-delà de diriger un événement sportif, espérez-vous aussi inspirer les futurs cyclistes ?
Roussé : Les mots ne peuvent décrire l’impact que ce Tour de France pourrait avoir sur le cyclisme féminin. Que ce soit pour les hommes ou maintenant pour les femmes, l’impact de cette course va bien au-delà du monde du cyclisme.
Le monde du cyclisme devient lentement plus inclusif pour les femmes. Je suis fière à l’idée que des jeunes filles seront sur le bord de la route en juillet pour apercevoir le Tour. Ils pourront enfin s’identifier aux champions. Quand j’allais voir les étapes du Tour, et que je m’entraînais le soir en suivant le parcours, je m’identifiais à Robbie McEwen (un coureur australien qui a remporté trois fois le maillot vert du Tour pour les points d’arrivée d’étape et de sprints intermédiaires). Ces filles auront enfin des femmes comme modèles.
« Quand j’étais petite, il m’était impossible de rêver de participer un jour au Tour de France, mais, jeunes filles, ce rêve est enfin possible pour vous », écrit Marion Rousse, la directrice du Tour féminin, dans cette publication Instagram le 10 octobre 2021.
FRANCE 24 : Certaines personnes voient le Tour féminin comme une tentative d’adopter des valeurs féministes à des fins de marketing. Comment répondriez-vous à ces critiques ?
Roussé : Je leur dirais que ce n’est pas la première épreuve cycliste féminine pour ASO (Amaury Sport Organisation, société française organisatrice entre autres du Tour de France). Elle promeut depuis un moment le cyclisme féminin : Tour de Qatar, Liège-Bastogne-Liège, la Flèche Wallone et désormais Paris-Roubaix. Nous nous inscrivons dans une continuité.
J’y ai pensé quand on m’a proposé le poste. Je voulais que cette course soit l’égale de celle des hommes, pas une course de deuxième classe. Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France masculin, est tout aussi impliqué dans le bon déroulement du Tour féminin. Nous voulons que le Tour de France (masculin) soit notre grand frère et devienne une véritable quatrième semaine du Tour.
Cet article a été traduit de l’original en français.